Résumé
Décortiquer l’anatomie et le rôle des intestins, petits et gros, énumérer en détail les différentes étapes de la digestion, décrire les ballonnements et autres troubles digestifs, décortiquer les dernières recherches sur les bactéries… pourraient être des thèmes rébarbatifs et fastidieux, destinés à des étudiants en médecine, ou tout au moins à des lecteurs experts.
Mais avec son humour potache d’étudiante, et ses connaissances de doctorante en médecine, Giulia Enders réussit l’exploit de rendre les sujets qu’elle a choisis passionnants et instructifs.
« Le charme discret de l’intestin », paru aux éditions Actes Sud, traduit de l’Allemand par Isabelle Liber, et illustré par la sœur de l’auteure, existe en format broché et Kindle.
Giulia Enders, née en 1990, est une jeune scientifique allemande passionnée par la gastroentérologie. Elle a en effet guéri la grave maladie de peau dont elle souffrait grâce à un changement radical d’alimentation, ce qui l’a incitée à poursuivre ses investigations dans ce domaine. Elle a obtenu le Premier prix de la Nuit des sciences de Berlin, grâce aux résultats de ses recherches.
Au travers de 3 chapitres, Giulia Enders ne se contente pas d’expliquer les rôles du microbiote et du « deuxième cerveau » dans certaines maladies (Parkinson, allergies…) ou le surpoids, mais donne des conseils pour changer d’alimentation, éviter les médicaments et prendre soin de son ventre :
- Le charme discret de l’intestin
- Le cerveau d’en bas
- La planète microbienne
Qu’est-ce qui m’a amenée à lire le livre « Le charme discret de l’intestin » ?
Comme pour Christophe Brusset, la sortie du livre « Le charme discret de l’intestin » en version francophone a été très médiatisée.
Je me méfie souvent de ces médiatisations exagérées, car elles induisent parfois le doute : l’auteur a-t-il des amis bien placés, ou le livre est-il vraiment intéressant ?
Mais j’ai néanmoins été attirée par :
- La jeunesse de l’auteure, et l’assurance avec laquelle elle a présenté son ouvrage
- Le titre vraiment intrigant : associer les mots « charme » et « intestin » (identique dans la version originale : « Darm mit Charme ») n’est quand même pas banal !
Et l’ambiguïté sur le mot « charme » (grâce séduisante… attrait mystérieux… ou sort jeté à quelqu’un ?) n’y est peut-être pas étrangère !
- L’envie de découvrir sa façon de bichonner notre deuxième (voire premier) cerveau.
Qu’allez-vous apprendre en lisant « Le charme discret de l’intestin » ?
Certains sujets traités par l’auteure peuvent paraître déroutants, dégoûtants, anecdotiques… mais il ne faut surtout pas s’arrêter à ces a priori, car les conseils sont pertinents et concernent tout un chacun !
Dans le 1er chapitre, vous découvrirez :
- Le mécanisme de la défécation et la meilleure façon de s’y prendre, afin d’éviter les désagréments que sont les hémorroïdes et la diverticulite (inflammation de l’intestin)
- Le rôle de la salive et des amygdales, avec des astuces pour lutter contre la mauvaise haleine
- Une visite « guidée » du tube digestif, où chaque organe est décrit de façon originale : pourquoi l’estomac a la forme qu’on connait, pourquoi et comment l’intestin grêle utilise son incroyable surface pour participer à la digestion et diffuser les nutriments, à quoi sert l’appendice…
- L’impact de la surconsommation de sucre, de mauvaises graisses, de gluten, de lait, de fructose… et les bienfaits des bonnes graisses
- Où trouver de bonnes protéines
- Le lien entre la digestion et l’intestin dans l’apparition de maladies comme les allergies, la maladie cœliaque, la sensibilité au gluten, l’intolérance au lactose et la malabsorption du fructose
- Comment la couleur et la consistance des selles peuvent nous renseigner sur le bon fonctionnement de notre système digestif
Dans le 2ème chapitre, vous découvrirez :
- Le cheminement et le devenir d’un aliment, avec le rôle de chaque organe impliqué, en passant par les yeux, le nez, la bouche, le pharynx, l’œsophage, l’estomac, l’intestin grêle, le gros intestin… jusqu’à la défécation
- L’origine des remontées acides et reflux gastro-œsophagiens, avec ses astuces pour les combattre
- Les mécanismes et les causes du vomissement, avec ses « trucs » pour les éviter quand ils ne sont pas justifiés (par exemple dans le mal des transports)
- Les causes de la constipation, avec les moyens pour y remédier, « naturels » ou médicamenteux
- Les liens et chemins de communication entre le cerveau « du haut » et celui « du bas », avec des focus sur l’impact du stress, le syndrome de l’intestin irritable, le rôle des bactéries et la possibilité de soigner la dépression en soignant le ventre
Dans le 3ème chapitre, vous découvrirez :
- Les récentes découvertes, et les interrogations actuelles, sur les bactéries qui peuplent notre organisme, et en particulier les intestins, et la compréhension du rôle du microbiote
- L’importance de la colonisation du bébé à la naissance par les bactéries maternelles, puis pendant l’allaitement
- La diversification des bactéries en fonction de l’alimentation chez les nourrissons
- Les recherches sur les gènes des bactéries, et les renseignements qui en découlent sur les disparités au sein des populations (par exemple pour l’effet protecteur du soja contre certains cancers)
- Les trois types d’intestin, identifiés en fonction des bactéries qui les colonisent, et leurs incidences sur certains mécanismes physiologiques
- Le rôle des bactéries dans la digestion, mais aussi dans la fabrication des yaourts, du fromage, de l’alcool, etc…
- Les 3 hypothèses qui pourraient expliquer le lien entre les bactéries et les problèmes de surpoids
- Les pistes de recherche dans la lutte contre le mauvais cholestérol à partir des bactéries intestinales
- Les causes des contaminations par les salmonelles, et comment les éviter
- L’ambivalence de la bactérie Helicobacter, qui peut produire des toxines dangereuses (impliquées dans les cancers de l’estomac ou la maladie de Parkinson entre autres) ou stimuler des mécanismes de protection
- Les hypothèses concernant les toxoplasmes (transmis par les chats et sous surveillance chez les femmes enceintes) qui pourraient jouer un rôle dans des maladies comme la schizophrénie, ou expliquer certains comportements délétères comme le suicide ou l’inattention au volant responsable d’accidents
- La façon d’identifier la présence d’oxyures et comment les éradiquer
Cette troisième partie se termine par un sujet particulièrement intéressant sur la « propreté », avec :
- Un rapide historique des notions d’hygiène
- Pourquoi l’excès d’hygiène actuel n’est pas forcément utile, et peut même être contreproductif
- Des conseils pour nettoyer « intelligemment »
- Les dernières découvertes sur l’utilisation de « bonnes » bactéries pour lutter contre les « mauvaises » (responsables d’odeurs par exemple)
- Le rôle et les méfaits des antibiotiques, avec des conseils pour éviter leur abus
- Le rôle des probiotiques, avec des conseils pour trouver les bonnes sources
- Les bienfaits des aliments prébiotiques qui nourrissent les « bonnes » bactéries
Ce que j’ai aimé… ou pas dans le livre « Le charme discret de l’intestin »
J’ai apprécié :
- Les conseils : l’auteure ne se contente pas de décrire, expliquer, théoriser… elle donne de vrais conseils, faciles à mettre en pratique, et parfois surprenants pour un futur médecin !
Par exemple, c’est en effet plutôt rare de découvrir dans ce monde-là des réserves quant à l’utilisation des antibiotiques « médicamenteux » et des préconisations pour tester des antibiotiques végétaux… ou bien des avertissements quant à la consommation excessive de gluten !
- Le focus sur les bactéries : l’auteure a vraiment à cœur de montrer que ces hôtes minuscules de notre organisme peuvent être impliqués dans beaucoup de mécanismes physiologiques, et dans certaines maladies… et que les recherches scientifiques ont tout intérêt à se focaliser sur elles
- Ses anecdotes souvent drôles où chacun peut se reconnaître
J’ai moins apprécié :
- Les dessins enfantins des illustrations : certains y ont vu une touche d’originalité… question de goût !
- Quelques paragraphes parfois très « techniques », avec l’emploi d’un vocabulaire propre au domaine médical, qui ne facilite pas la compréhension des informations… mais comme l’idée principale à retenir est souvent résumée à la fin, on peut se dispenser d’une lecture approfondie de ces passages
Ma conclusion
Il vaut mieux être averti, avant d’entamer la lecture de ce livre, du style original, parfois dérangeant, voire indécent de Giulia Senders !
Mais passé l’effet de surprise, on se plonge rapidement dans ce monde des bactéries qu’elle affectionne particulièrement, et on savoure la richesse de ses informations.